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TEMOIGNAGE : Roger FORGA
- RADIO LYON -
Témoignage de Roger FORGA,
producteur et speaker à Radio Lyon de 1941
à 1944 recueilli en septembre 2007 et
reproduit avec son aimable autorisation :
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LES PREMIERS PAS |
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Je suis
né en 1924 comme Radio-Lyon,
surtout j'ai toujours été un
fou de radio. Embauché par
José Mas en 1941 comme speaker et
animateur-producteur, sous mon nom Roger
Forga, j'ai travaillé avec MM.
Anglade, Mas, Jarre, Franck, Bourgea,
Clère, Roget, etc rue de Marseille
et à Dardilly. Les techniciens
étaient MM Flechet, Laupin,
Batailler et Vuataz.
J'ai presque 10 ans
lorsque je découvre un poste
à galène acheté par
mon père. Premier contact,
première émotion. Avec ce
minuscule poste et son unique
écouteur j'entre de plain-pied dans
le monde magique de la radio. Chaque soir
après mes devoirs je plonge dedans
: Chansons- informations- causeries-
réclames me comblent d'aise. Des
inconnus me parlent à l'oreille,
ils ont pour nom : José Mas, Armand
Franck, Perrigo Fouquier (la mère
Cotivet), Georges Trombert, Florine
Bourgeat. A tour de rôle ils me
parlent de la pluie et du beau temps, des
artistes à Lyon, des débuts
de Roche et Aznavour, de Charles et
Johnny, de Mireille et Jean Nohain ou
simplement de la qualité du
chocolat Meunier, du St Raphaél ou
du Banania qui évite le
bâillement de onze heures...
Involontairement je participe aux
émissions... Tout est possible
à un jeune qui rêve. Pendant
plusieurs années en vacances dans
le midi je retrouve un vieux phono et des
disques plus vieux encore et je " mets en
ondes " des projets des sketches, des
interviews, à ne plus finir.
Radio-Lyon, sur l'onde de
215 mètres avec une forte puissance
depuis la mise en activité de son
nouvel émetteur à Dardilly,
est un des postes les mieux entendu en
Europe.
Avant guerre, sa grille de
programme est la suivante 8h à 9 h,
11h à 14, 18h à 21h.
De 21h à 24h :
émissions en langue anglaise avec
diffusion de publicité (interdite
en Angleterre ) Deux speakers anglais, MM
Carnes et Couper sont accompagnés
de Melle.Florine Bourgeat qui assure le
programme en langue française .
Ces émissions sont
reçues tant aux îles
Britaniques qu'aux Dominioms, un important
courrier le confirme.
En suite tout va
très vite. Je me présente 39
rue de Marseille avec beaucoup de projets
mais peu d'illusions. Rendez-vous pris
avec Monsieur Mas, Directeur artistique
qui accepte certaines de mes idées
et me propose un essai au micro. Pendant
plusieurs mois, M. Mas va me malaxer, me
triturer, placer ma voix, effacer mon
accent, réguler le débit,
m'obliger à improviser et surtout
écrire un projet d'émission
de variété.
Je propose " Fantaisie
Radiophonique " 20 minutes environ une
sélection de 5 ou 6 disques sur un
thème choisi : Les cloches, La
valse, la mer ou bien 1900 etc. Pendant 2
mois, je découvre la volumineuse
discothèque de la radio et
sélectionne les musiques, les
chants propres à accompagner les
textes d'enchaînement. Le 11
Novembre 1941 ma première fantaisie
passe à l'antenne "je voudrais
faire une chanson" présentée
et accompagnée par Armand Frank. Le
14 novembre, je passe officiellement
l'épreuve du micro avec "Loin de ma
ville" avec des textes extraits du Pays
Natal de Henry Bordeaux... Pendant 2 ans
et 2 fois par semaine je réalise
cette fantaisie radiophonique. Elle me
permet de m'exprimer
régulièrement et de parfaire
mes connaissances en radio. Le speaker de
service le soir lit à ma place les
textes d'enchaînements,
l'émission est toujours en direct.
Je ne suis toujours pas
embauché officiellement je suis
payé à l'émission.
Il faudra attendre le 10
mars 1942 pour faire définitivement
partie de la station. Jour
mémorable que ce 10 mars, mon
embauche et le début de ma grande
émission " Les jeux en famille "
avec l'orchestre Claude Ginou et le
fantaisiste Jack Claret,
présentée à deux voix
avec José Mas et avec le concours
des auditeurs. C'est mon émission
fétiche. Hebdomadaire
1942-43-44-
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LE FONCTIONNEMENT DE RADIO LYON DURANT L'OCCUPATION |
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Depuis l'occupation
Radio-Lyon groupée dans la
Fédération des postes
privés diffuse tous les soirs,
à partir de 21h un programme commun
enregistré dans la journée
dans les studios de Lyon et de Toulouse et
diffusé en totalité sur une
seule longueur d'onde. Afin de ne pas
guider dans la nuit d'éventuels
avions de bombardements grâce
à la radiogoniométrie,
toutes les radios diffusent dans la nuit
sur une seule et même longueur
d'onde un seul programme
enregistré. A partir de 21 h, pour
continuer à écouter
Radio-Lyon il faut se porter sur la
longueur de Radio-Toulouse sachant que
Dardilly émet toujours, mais sur la
fréquence de Toulouse . Cette
manipulation n'a jamais
empêché les bombardements sur
la région lyonnaise, mais par
contre a créé de
sérieux problèmes quotidiens
artistiques et techniques à la
station.
Dans la journée
Radio-Lyon avait sa propre grille, ses
propres programmes et diffusait
régulièrement de 7h30
à 9h, de 11h à 13h30 et de
18h30 à 21h.
Les informations
diffusées depuis le
ministère de l'information à
Vichy sur Toulouse et Lyon à 12
h30 et 19 h.30 n'étaient en
réalité qu'un programme de
propagande en l'honneur de l'occupant .
Par contre nous n'avions
aucune contrainte sur les sujets de nos
émissions. Seul Monsieur Mas notre
directeur artistique veillait au bon
déroulement de notre programme et
recommandait une discrétion totale
sur nos états d'âmes face
à l'occupant. Monsieur Mas
était notre seul censeur .
Honnêtement je n'ai
jamais été
piégé dans le tourbillon de
l'occupation allemande. La
frontière était mince entre
travailler et collaborer entre survivre et
se compromettre. Dans la famille de
Radio-Lyon aucun problème. Jamais
aucun texte n'a été interdit
d'antenne, la censure n'existait pas en
dehors des recommandations de notre
patron. Un visiteur dans les couloirs de
notre station aurait été
surpris d'entendre sur les postes
témoins du hall et des bureaux, les
infos de la B.B.C. à la place du
programme normal diffusé à
cet instant sur notre antenne lyonnaise
(authentique). C'était la farce
habituelle de l'ami Batailler en l'absence
de M. Mas qui n'en a jamais rien su ou ne
voulait pas le savoir...
C'est dans cette ambiance
que j'ai fait mes premières armes
de speaker en novembre 1941 en compagnie
du speaker titulaire Armand Franck et de
la franco-anglaise Florine Bougeat
toujours au micro depuis l'épisode
de la publicité anglaise. Avec Jean
Clère comme radio-reporter et
André Certes journaliste.
Une fine équipe,
dévouée mais sans moyens,
aucune publicité pour arrondir les
fins de mois et surtout les fins
d'émissions (sic) Pourtant
j'affirme avoir réalisé
pendant cette période six ou sept
séries d'émissions qui ont
bien marché. On a toujours une
bonne impression de soi même. Mais
les félicitations de ma direction
et surtout les lettres d'encouragement
d'auditeurs des deux zones (libre et
occupée) dans une période
où le moral des français
était bien bas, suffisent à
m'encourager. Le monsieur dans la
boîte est presque un ami.
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LA LIBERATION |
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Avoir 20 ans en 1944 une
mauvaise idée...
Puis un jour c'est fatal
le décor craque, le rideau tombe,
le rêve s'évanouit. Adieu
micro, chansons reportages, je dois partir
pour le travail obligatoire en Allemagne
S.T.O. en avril.
Convoqué en janvier
avec la classe 44 au conseil de
révision en mairie du 3ème
arrondissement sous le contrôle des
officiers Allemands, je suis
déclaré bon pour le travail
déporté à
Baden-Baden.
A aucun prix, je ne veux
participer à cette collaboration
active. Partir travailler en Allemagne
c'est trahir.
Devant mon refus Monsieur
Mas (toujours lui) me recommande à
un ami, le Commandant des sapeurs pompiers
de Lyon Jean Rossignol qui recrute des
jeunes pour créer un nouveau poste
à Saint-Fons centre des usines
chimiques de Lyon. Un petit examen oral et
physique, me voilà en avril 1944
pompier pour plusieurs années. Je
partage la vie des sapeurs. Bonne
ambiance, malgré la mauvaise "
bouffe sous l'occupation ".
Les jours de repos, je
retrouve ma Radio et certaines de mes
émissions reprises par mes
amis.
Le 1er septembre 1944 les
Allemands détruisent 22 des 24
ponts de la ville afin de retarder
l'avancée des troupes
alliées. Les pompiers ne peuvent
intervenir, nous sommes témoins
d'embouteillages monstres mais sans aucune
victime. Le 3 septembre, la 1ère
Division de la France libre entre à
Lyon vers 9 heures avec à sa
tête le Général
BROSSET le libérateur de Lyon. Le
seul pont utilisable par les engins est
celui de "L' homme de la roche " à
Vaise. Le génie a du travail pour
installer des ponts provisoires sur les
parties encore utilisables. Avant leur
départ, les troupes allemandes
détruisent le pylône
émetteur de Radio-Lyon. Les
installations techniques de Dardilly et
rue de Marseille sont relativement
épargnées mais sans antenne,
Lyon reste sans voix. Monsieur Jarre tente
avec un mât de fortune et un
faisceau de câbles de redonner vie
à la station, hélas sans
succés . De toute façon
toutes les radios sont
réquisitionnées par
l'armée et le personnel
remercié sans être
inquiété, contrairement
à la station de Radio-Toulouse
contrainte de fuir à
l'étranger.
Pour ma part, libre de
tout engagement, je quitte le corps des
sapeurs pompiers de Lyon le 1er octobre
1945.
Je me présente 43
cours Gambetta siège à Lyon
de la nouvelle Radio Nationale et propose
mes nouvelles émissions : La maison
qui chante (qui dort dans mes dossiers
depuis longtemps) accepté, ce
programme sera diffusé pendant 3
mois. Contrat non renouvelé. Avec
Louis Viret, baryton du
théâtre des Célestins,
je monte une émission de
variétés "Stades et
Scènes ". Un face à face
entre un acteur et un sportif, tout ce qui
les rassemble ou les éloigne. Au
bout de 6 semaines, fin de " stades et
scènes ". Les relations avec la
nouvelle direction sont difficiles,
l'ambiance n'est pas la même ici et
je regrette déjà Radio-Lyon
et les conseils de Monsieur Mas ...Ma
décision est prise. Je me retire
définitivement, ma Radio
c'était autre chose.
Je garde le souvenir de
l'excitation intense qui m'envahissait
lorsque s'allumait la petite lampe rouge
du studio et le vertige qui accompagnait
ce tête-à-tête avec le
micro. Rien n'est comparable à
cette sensation définitivement
éloignée. Je suis heureux
d'avoir connu cela, comme je suis heureux
aujourd'hui que ce soit
terminé.
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Remerciements à M.
Roger FORGA pour ce témoignage
recueilli en septembre 2007.
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